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Échange Bangkok/Québec


LA CHAMBRE BLANCHE a inauguré de fort belle manière le vernissage progressif de l’échange international Bangkok-Québec. Par un samedi hivernal ensoleillé, le 19 mars 2016, une déambulation s’amorçait avec l’exposition Adjust de Jedsada Tangtrakulwong, laquelle s’avéra un des moments forts de la journée, sinon de l’évènement.

crédit photo: Ivan Binet

S’ajuster comme attitude de création

Survivre ou périr au froid hivernal? Telle a été assurément la question à la base de (l’œuvre) la créativité de Jedsada Tangtrakulwong. Habitué comme ses compatriotes à un climat frisant les 37 degrés au-dessus de zéro, qu’en serait-il de l’humain, de la faune, de la flore et de l’eau pendant l’hiver nordique alors que les températures peuvent atteindre 37 degrés sous zéro? Bien qu’il sache que les climats sous d’autres cieux ont créé des civilisations et des environnements qui se sont développés et adaptés aux froidures et aux neiges éternelles, comment vivrait-il cette expérience en venant à Québec?

Autant dire que Jedsada n’aura eu en tête qu’une attitude: s’ajuster. De posture humaine il en fera une attitude d’art. C’est lors de son contact initial, sa promenade dans le quartier qu’une observation déclenchera son savoir-faire. Le souriant Tangtrakulwong vit de manière extraordinaire une chose qui, à nos yeux d’urbains hivernaux est devenue peut-être familière au point de ne pas en faire de cas, pour lui sera un formidable déclencheur de son œuvre à faire. Je veux parler de ces petits arbres plantés que les employés municipaux «habillent» de couvertures et soutiennent par des tuteurs pour la saison. Comme on le verra, il appliquera plusieurs variantes artistiques de cette procédure, mais à l’intérieur!

crédit photo: Ivan Binet

Sculpter les enrobages

Au regard d’ensemble, Adjust de Jedsada Tangtrakulwong semble avoir métamorphosé de manière lumineuse l’espace de LA CHAMBRE BLANCHE. Le plancher brille ce qui ne fait que mieux ressortir l’occupation sculpturale des lieux. Tels des petits îlots, des formes qui se révéleront être des abris sont éparpillées au sol.

À force de circuler parmi eux, de s’en approcher, notre perception se transforme en découvertes singulières d’une œuvre à l’autre. Ces constructions sculptées de grosseurs variables enveloppent autant de plantes domestiques qu’il y a de choix de revêtements fabriqués de divers matériaux aux propriétés isolantes. Ces enrobages que nous présente l’artiste thaïlandais prennent allure d’architectures ondulantes et fascinantes. Profitant des technologies de pointe jumelant programme d’ordinateur et outils de découpe, l’artiste s’est inspiré des ombres obtenues par l’éclairage des plantes dans leurs pots pour en créer les formes visibles.

Chaque œuvre est donc une découverte en soi. Tantôt, il faut se pencher pour apercevoir la plante, ou encore soulever un couvercle. Deux arbustes, plus grands, se démarquent. Leurs branches sont recouvertes de couvertures de feutre comme celles que l’artiste avait repérées dehors.

L’ajustement comme mode de survie s’opère donc ici par l’inversion: du dehors au dedans, pour les petits arbres d’extérieurs comme une transplantation, mais aussi une modification de la fonction du pot à celle d’enveloppement pour protéger métaphoriquement du froid, comme nous le faisons avec nos manteaux et nos habitations.

crédit photo: Ivan Binet

Exotisme chaleureux

Déjà remarquable par leur mise en espace, il émanait, des dispositifs de Adjust, une chaleureuse expressivité exotique. Pour avoir été du volet thaïlandais de l’échange1, je me suis pris à rêvasser à l’architecture complexe et fluide de ces nombreux temples thaïlandais qui structurent les villes et les villages. C’est le cas, par exemple, du fameux Wat Arun à Bangkok.

Mais déjà, les visiteurs commençaient à se déplacer. J’enfilai manteau, tuque et mitaines en pensant aux abris pour plantes inventés par Jedsada Tangtrakulwong. Marchant dans la neige et sentant les piqûres du froid sur mon visage, je compris que l’extension de l’idée de protection valait pour tout ce qui est vivant. Ce leitmotiv traverserait sans doute les expositions inédites produites par les autres artistes thaïlandais dans l’édifice de la coopérative Méduse et au Lieu, centre en art actuel2.

  1. Le volet artistique Bangkok/Québec complétait au printemps 2016 en sol québécois celui d’Encounter With Strangers. Québec/Bangkok amorcé à l’automne 2015 en sol thaïlandais. Il s’agit du premier échange international d’art entre les deux contrées.
  2. Charinthorn Rachurutchata et Miti Ruangkritya occupaient la grande salle chez VU, Lalinthorn Phencharoen et Prasert Yodkaew celle de L’Œil de Poisson tandis qu’Arnont Nongyao était chez Avatar et dans la galerie/vitrine de la Manif d’Art. Le vernissage allait se terminer au Lieu, centre en art actuel où l’événement avait débuté une semaine auparavant avec une conférence de Wantanee Siripattanannunkul et les performances de de Nopawan Sirivejkul et de Mongkol Plienbangchang, l’installation vidéo de la même Wantanee Siripattanannunkul clôturant l’aventure.