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Amélie Laurence Fortin (Québec) – 10x (Puissance de 10)

Quand on entre dans la galerie, l’atmosphère est froide et séduisante. Il y règne un climat de raffinement aride, généré par l’intensité de la lumière du néon suspendu au plafond et par le blanc de la salle, contrastant avec les formes noires, grises et jaunes disposées dans l’espace. Un drapeau noir et l’autre jaune bordent un large socle. Juste en face, trois drapeaux noirs suspendus au mur bougent aléatoirement dans la galerie. Les drapeaux sont brillants et enduits d’un produit qui les fige dans un mouvement provoqué par un vent invisible. Une trame sonore à deux temps se partage l’espace. La première, un son vertigineux, participe à la création d’une ambiance futuriste de film de science-fiction apocalyptique. L’artiste explique qu’il s’agit d’une roche glissant sur un cours d’eau gelé de l’Arctique. Ce son, exempt de manipulation, est la manifestation la plus fidèle de ce moment issu du bout du monde. Se mêlant à ces sonorités, une autre pierre de l’Arctique glisse en rotation sur le socle noir bordé des drapeaux. Le son est strident, agressant même. Avec ce mouvement, la pierre creuse et transforme son sillon, provoquant des changements dans la nature du son produit au fil des résolutions. Rotations, orbites, temps, vibrations, toutes les pièces de l’installation fonctionnent telles des portes d’entrée pour explorer la relation entre l’humain, l’infiniment petit et l’infiniment grand. Ce sont précisément ces questions relatives à la position de l’humain entre le microscopique et l’univers que l’artiste polydisciplinaire Amélie Laurence Fortin aborde au cours de sa résidence 10 x.

crédit photo: Ivan Binet

crédit photo: Ivan Binet

Sa résidence s’est déroulée dans le cadre de la neuvième Manif d’Art à Québec. Son travail rejoint naturellement les thèmes proposés par le commissaire Jonathan Watkins, soient les questionnements sur les relations de l’humain avec la nature, son environnement, ses semblables et son avenir sur terre. Pour Fortin, le contexte de la résidence à LA CHAMBRE BLANCHE est particulier: «Ma pratique des arts visuels est le plus souvent basée sur la traduction de nouveaux affects, concepts et percepts produits par des expériences diverses impliquant un défi. [Avec la résidence], je voulais vérifier ma capacité à performer dans un contexte oppressant composé des facteurs suivant: aucune idée en amont, temps réduit, financement inexistant, prestation dans le cadre d’une biennale internationale scrutée par le milieu professionnel des arts visuels.»1 C’est donc dans ce contexte, bien familier à l’artiste, que la résidence a pris forme. Fortin cherche, crée et trouve des contextes de création où ses limites physiques et émotives sont mises à l’épreuve par le biais de défis d’adaptation au milieu. Que ce soit une expédition en kayak, une retraite sur un bateau en Arctique ou une résidence d’artiste.

crédit photo: Ivan Binet

crédit photo: Ivan Binet

Amélie Laurence Fortin est entrée dans sa résidence avec comme matériau de base des enregistrements sonores et des images captées lors de sa résidence du Arctic Circle Residency Program, de la Farm Foundation for Art and Science, alors qu’elle faisait partie, en 2017, d’un équipage de chercheurs provenant de divers domaines scientifiques ou artistiques. Avec 10x, elle quitte la planète Terre pour s’intéresser au Cosmos. S’apparentant à un vortex temporel, le temps passé à LA CHAMBRE BLANCHE sert d’amorce à de nouvelles préoccupations par le biais de projets passés; à la fois élargissement et spécialisation d’une pratique, le territoire se transforme en espace.

  1. Correspondance privée entre Julie Théberge et Amélie Laurence Fortin le 28 septembre 2019.