b 39
éditions
la Chambre Blanche
bulletin n°39 - 2016
* Jean-François Lahos. Nicolas d’Alessandro et Jean-François Lahos: chant stellaire. du 7 novembre au 22 décembre 2016

Nicolas d’Alessandro et Jean-François Lahos: chant stellaire

par Carol-Ann Belzil-Normand
Jean-François Lahos du 7 novembre au 22 décembre 2016

L’artiste belge Nicolas d’Alessandro et l’artiste québécois Jean-François Lahos ont été jumelés dans le cadre de résidences pour le projet Vice Versa initié par les centres Transcultures et LA CHAMBRE BLANCHE. Le projet Vice Versa a pour but de susciter la rencontre de deux artistes, l’un issu de la Fédération Wallonie-Bruxelles et l’autre du Québec, pour créer un projet inédit en arts numériques. Requiem est le deuxième échange issu de Vice Versa. Nicolas d’Alessandro s’intéresse à l’aspect auto génératif de la voix et à la manière dont les algorithmes produisent du son. Il est également captivé par les outils de créations musicales numériques et par la production de voix artificielles. Quant à Jean-François Lahos, il est séduit par la notion de pliage et de dépliage des objets tridimensionnels et il possède un intérêt marqué pour l’aspect monumental que l’art peut prendre dans l’espace public. Par leurs champs d’intérêt respectifs, les deux artistes ont joint leurs forces pour créer une œuvre qui transmet leurs expertises et leur amour des technologies.

crédit photo: Ivan Binet

crédit photo: Ivan Binet

Gisant

Traditionnellement, le gisant est une sculpture qui représente un défunt à plat dos souvent dans un état de béatitude. Cette sculpture funéraire est habituellement placée au-dessus du cercueil. Pour d’Alessandro et Lahos, l’idée derrière la représentation symbolique d’une dépouille était de produire un espace d’interaction contemplatif. En partant de cette volonté, Jean-François Lahos a créé le gisant à l’aide des polygones qui ont finalement formé le corps schématisé d’un défunt. Par la suite, la sculpture a été traduite en image de synthèse afin d’être pliée ou dépliée par le contact du public. Le gisant était peint d’une encre conductrice liée à une série de capteurs qui activaient l’animation de Jean-François Lahos ainsi que le travail sonore de Nicolas d’Alessandro. De ce fait, le toucher du visiteur sur la sculpture contrôlait le son et la projection du gisant numérique. Par ses manipulations, le visiteur trouvait un équilibre entre la présence du son et de l’objet là où l’intangible et le concret s’entremêlaient. La projection du cosmos sur le gisant produisait ce lien entre la mort et l’univers. Comme le mentionne Jean-François Lahos : «[…] l’aspect sacré du corps matériel exposé aux vivants et la volonté puissante d’en faire un objet pérenne sont des gestes forts exprimant l’ampleur du vide entre la vie et la mort. Le volume [physique de la sépulture] imposait un respect des lieux et un espace propice à la contemplation et l’introspection. »1

crédit photo: Ivan Binet

crédit photo: Ivan Binet

Mort et algorithme

Avec Requiem, les deux artistes ont cherché à transcender la lourdeur du thème de la mort en amenant le public vers un espace cosmologique. La sculpture était placée au centre d’un groupe de haut-parleurs qui diffusaient une chorale de voix de synthèse créée par Nicolas d’Alessandro. Les voix de 16 chanteurs étaient modulées au gré des algorithmes. La spatialisation des voix de la chorale suivait la géométrie de la sculpture en produisant une atmosphère mystique et désincarnée. La position du toucher sur le gisant, soit sur les pieds, le coeur ou la tête, déterminait l’enchaînement des voix variant de tonalités plus claires à plus sombres. Le toucher, multiple ou unique, orientait la concentration des voix vers une harmonie calculée en fonction d’une moyenne générée par les algorithmes conçus par l’artiste. D’une certaine manière, les voix produites par le logiciel d’Alessandro en relation avec la sculpture de Lahos pouvaient rappeler une forme de sismologie stellaire, c’est-à-dire la traduction des ondes lumineuses à l’intérieur des étoiles. Enfin, qu’il s’agisse du son ou de l’image, le visiteur devenait le chef d’orchestre d’une nébuleuse imaginaire.

  1. Référence aux échanges par courriel avec Jean-François Lahos, 01/07/2020.
Carol-Ann Belzil-Normand
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