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éditions
la Chambre Blanche
bulletin n°39 - 2017
* . Préface 39.

Préface 39

par Jacqueline Bouchard

L’expérimentation sonore s’invite de manière continue dans la programmation 2016-2017 de LA CHAMBRE BLANCHE. Matériau privilégié de Giulia Visamara, de Nicolas d’Alessandro et de Robyn Moody dans leurs résidences de création, elle se pointe chez Esther Vila Roca lors du finissage de la sienne, sous la forme d’une performance sonore et musicale.

Giulia Vismara, une scénographe du son. Voilà le très beau titre que Carol-Ann Belzil-Normand a trouvé pour décrire le travail de cette artiste italienne qui ouvre la programmation 2016-2017. Compositrice et conceptrice sonore, et aussi musicologue, Giulia Vismara s’intéresse aux rapports entre le son et l’espace. Elle explore de quelle manière l’espace transforme les sons et aussi, inversement, l’influence que les sons exercent sur notre perception de l’espace. Sa résidence lui a permis d’approfondir son travail sur l’acoustique en utilisant des sons provenant de l’espace de LA CHAMBRE BLANCHE, de l’extérieur urbain, et en exploitant le potentiel de matériaux comme le verre, le métal et le bois. Ses expériences avec divers dispositifs, dans la galerie, lui ont permis de s’éloigner de la stricte composition pour se centrer sur l’écoute de l’environnement. Son œuvre immersive électroacoustique nous invite à déambuler dans une scénographie sonore où l’espace est ressenti à la fois comme infini et condensé.

L’artiste brésilienne Esther Vila Roca dit qu’elle est entrée en art de manière sauvage. Son parcours se définit par un laisser-aller dans la création : elle accueille les rencontres et les découvertes, le relationnel et l’événementiel qui favorisent l’émergence d’une action en vue d’induire un changement, un surgissement signifiant. À LA CHAMBRE BLANCHE, elle poursuit ainsi son «projet multidisciplinaire de transformation sociale». Au moyen de l’écriture et de la vidéo, elle balise sa démarche où le processus créatif et le « processus social » sont intimement liés. Tout est matière à transformation, et les formes sont multiples. Effectivement, pendant sa résidence, ses rencontres avec différents artistes, son exploration territoriale et une visite au Musée sont à l’origine notamment d’un conte, d’une installation sonore et visuelle, et d’une peinture murale.

C’est à la manière de produire les sons, et particulièrement celui de la voix humaine, que s’intéresse l’artiste belge Nicolas d’Alessandro. Il est jumelé à Québec avec l’artiste Jean-François Lahos, dans le cadre du deuxième échange de résidences pour le projet Vice Versa initié par les centres Transcultures et LA CHAMBRE BLANCHE. Les recherches de l’artiste québécois portent quant à elles sur la réalisation d’objets de grandes dimensions, la modélisation des formes, le pliage et le dépliage. Dans Requiem, aboutissement de la résidence, le public est justement invité à «déplier» le corps d’un gisant, projeté par le toucher dans un univers sonore de nébuleuses. C’est donc autour du thème de la mort, survenu rapidement lors de la rencontre des deux artistes, que s’est arrimé leur travail de collaboration. Leur expertise technologique a permis de créer une œuvre contemplative émouvante, très loin de la morbidité.

C’est dans le même sens que Sanguine Through the Storm de Robyn Moody échappe à la morosité. L’artiste canadien, fasciné par les sciences et les mathématiques, s’inspire d’événements ou de phénomènes observables dans notre quotidien ou dans la nature. Il crée des installations qui les transcendent en leur ajoutant une valeur esthétique, voire éditoriale ou poétique, aimant produire dans ses œuvres un environnement électroacoustique généré par les objets. C’est le cas de l’installation réalisée durant sa résidence, dans le cadre de Manif d’art 8. À partir d’un souvenir, l’image d’une fuite d’eau rafistolée demeurée dans sa mémoire, il imagine un monde apocalyptique où les édifices abandonnés et délabrés sont exposés aux inondations. Paradoxalement pourtant, c’est au moyen d’un décor sonore plutôt ludique et très coloré qu’il exprime sa vision.

Jacqueline Bouchard
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