Bulletin n°41

Préface

La programmation 2018-2019 de LA CHAMBRE BLANCHE a été marquée par des préoccupations esthétiques qui vont de l’intime à l’infiniment grand. Pour la première partie de la programmation, Michela Mariani et Anna Mitjà Comas explorent la représentation de soi dans la photographie et le cinéma. Pour la seconde partie, Amélie Laurence Fortin et le duo formé de Louis-Robert Bouchard et Franck Soudan s’intéressent plutôt aux domaines des sciences et des technologies. LA CHAMBRE BLANCHE a invité l’autrice Julie Théberge à réfléchir sur la production des artistes en résidence pendant cette période.

Pour la résidence de Michela Mariani, Théberge souligne le travail de collection qu’a entamé l’artiste italienne en recueillant des selfies ou des moments d’intimités sur les comptes Instagram d’usagers provenant de la ville de Québec. Ces manipulations de l’image de soi et du quotidien permettent d’interroger ce qui est en montre sur les réseaux sociaux.

Après les archives photographiques, la Catalane Anna Mitjà Comas présente un travail cinématographique. Pour sa résidence, Mitjà a produit plusieurs itérations de son travail filmique présentées sous forme d’un laboratoire exploratoire sur la projection, l’impression 3D et la découpe numérique. Les expérimentations qu’elle a développées à l’aide de la machinerie assistée par ordinateur ont été élaborées à partir de son film Les Pedres/Stones. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte est un thème important dans la recherche de l’artiste tant sur le plan cinématographique que dans ses explorations plastiques.

Par la suite, c’est le travail d’Amélie Laurence Fortin qui occupe la galerie. Étant fascinée par le rapport entre l’humain et le cosmos, Fortin explore les concepts scientifiques tels que la gravité, la vibration, la diffraction et le mouvement. En 2017, l’artiste fait partie d’une expédition réunissant scientifiques et artistes en route vers l’Arctique. Les recherches qu’elle a entreprises lors de cette expédition lui ont permis d’acquérir un matériel audio et visuel qui a été utilisé pour sa résidence. Plus particulièrement, son travail sonore fait référence aux investigations qu’elle a entreprises sur les phénomènes physiques présents dans l’univers. Entre l’Arctique et le cosmos, un dialogue s’installe et nous amène à une dimension grandiose qui transforme notre rapport au temps et à l’espace.

Enfin, le duo formé de Louis-Robert Bouchard et de Franck Soudan a produit une machine inspirée du télégraphe de Sömmering pour générer des poèmes issus de la base de données Gutenberg en libre accès. D’une part, l’immatérialité de ce projet est présentée sous forme d’une logique combinatoire permettant une sélection de textes poétiques. D’une autre part, l’information inscrite sur papier nous interroge sur l’aspect sensible et éphémère de l’information. Ce rapport à la littérature numérique et au texte imprimé promeut une nostalgie et un romantisme de la poésie exprimé par le dispositif.

Carol-Ann Belzil-Normand

Bulletin n°40

Préface

L’année 2017-2018 a été foisonnante pour LA CHAMBRE BLANCHE. Dans ce bulletin, l’auteure Anne-Sophie Blanchet nous fait découvrir l’univers des artistes qui furent de passage dans notre centre. En septembre 2017, elle a rencontré Marco Casella qui a travaillé sur la constitution d’un paysage à entendre, à voir et à imaginer. Lors de ses déplacements aux quatre coins de la ville de Québec, l’artiste a traduit les lieux visités en sons afin de synthétiser l’espace urbain. Quelic Berga a pour sa part transformé la galerie en laboratoire de recherche. Il a œuvré à l’élaboration d’un logiciel de montage filmique rhizomatique à partir de diverses données réelles. On retrouve un intérêt similaire pour les données et l’art numérique dans le travail d’Owen Chapman et Peter Sinclair. Ces deux artistes ont uni leur potentiel autour de la création d’un projet axé sur la mobilité en milieu urbain. En collaboration avec le projet Futur DiverCities de Seconde Nature, un partenariat entre l’Europe et le Québec, ils ont conçu des avatars inspirés des déplacements dans la ville des divers participants. Pendant le Mois Multi, l’artiste Pavitra Wickramasinghe a produit une installation remémorant la mer. Elle a froissé, plié et coupé du papier par diverses méthodes. L’accumulation des objets de papier dans la galerie rappelle le mouvement des vagues. L’année s’est terminée sur l’installation de l’artiste engagé Pan Wang lors d’un échange entre le Québec et la Chine. Il a exposé dans la galerie de LA CHAMBRE BLANCHE les artefacts d’une performance filmée sur la terrasse Dufferin. Par sa présence dans ce lieu emblématique et touristique de la ville de Québec, il a voulu souligner l’impossibilité de poser de tels gestes dans son pays.

Geneviève Gasse

Bulletin n°39

Préface

L’expérimentation sonore s’invite de manière continue dans la programmation 2016-2017 de LA CHAMBRE BLANCHE. Matériau privilégié de Giulia Visamara, de Nicolas d’Alessandro et de Robyn Moody dans leurs résidences de création, elle se pointe chez Esther Vila Roca lors du finissage de la sienne, sous la forme d’une performance sonore et musicale.

Giulia Vismara, une scénographe du son. Voilà le très beau titre que Carol-Ann Belzil-Normand a trouvé pour décrire le travail de cette artiste italienne qui ouvre la programmation 2016-2017. Compositrice et conceptrice sonore, et aussi musicologue, Giulia Vismara s’intéresse aux rapports entre le son et l’espace. Elle explore de quelle manière l’espace transforme les sons et aussi, inversement, l’influence que les sons exercent sur notre perception de l’espace. Sa résidence lui a permis d’approfondir son travail sur l’acoustique en utilisant des sons provenant de l’espace de LA CHAMBRE BLANCHE, de l’extérieur urbain, et en exploitant le potentiel de matériaux comme le verre, le métal et le bois. Ses expériences avec divers dispositifs, dans la galerie, lui ont permis de s’éloigner de la stricte composition pour se centrer sur l’écoute de l’environnement. Son œuvre immersive électroacoustique nous invite à déambuler dans une scénographie sonore où l’espace est ressenti à la fois comme infini et condensé.

L’artiste brésilienne Esther Vila Roca dit qu’elle est entrée en art de manière sauvage. Son parcours se définit par un laisser-aller dans la création : elle accueille les rencontres et les découvertes, le relationnel et l’événementiel qui favorisent l’émergence d’une action en vue d’induire un changement, un surgissement signifiant. À LA CHAMBRE BLANCHE, elle poursuit ainsi son «projet multidisciplinaire de transformation sociale». Au moyen de l’écriture et de la vidéo, elle balise sa démarche où le processus créatif et le « processus social » sont intimement liés. Tout est matière à transformation, et les formes sont multiples. Effectivement, pendant sa résidence, ses rencontres avec différents artistes, son exploration territoriale et une visite au Musée sont à l’origine notamment d’un conte, d’une installation sonore et visuelle, et d’une peinture murale.

C’est à la manière de produire les sons, et particulièrement celui de la voix humaine, que s’intéresse l’artiste belge Nicolas d’Alessandro. Il est jumelé à Québec avec l’artiste Jean-François Lahos, dans le cadre du deuxième échange de résidences pour le projet Vice Versa initié par les centres Transcultures et LA CHAMBRE BLANCHE. Les recherches de l’artiste québécois portent quant à elles sur la réalisation d’objets de grandes dimensions, la modélisation des formes, le pliage et le dépliage. Dans Requiem, aboutissement de la résidence, le public est justement invité à «déplier» le corps d’un gisant, projeté par le toucher dans un univers sonore de nébuleuses. C’est donc autour du thème de la mort, survenu rapidement lors de la rencontre des deux artistes, que s’est arrimé leur travail de collaboration. Leur expertise technologique a permis de créer une œuvre contemplative émouvante, très loin de la morbidité.

C’est dans le même sens que Sanguine Through the Storm de Robyn Moody échappe à la morosité. L’artiste canadien, fasciné par les sciences et les mathématiques, s’inspire d’événements ou de phénomènes observables dans notre quotidien ou dans la nature. Il crée des installations qui les transcendent en leur ajoutant une valeur esthétique, voire éditoriale ou poétique, aimant produire dans ses œuvres un environnement électroacoustique généré par les objets. C’est le cas de l’installation réalisée durant sa résidence, dans le cadre de Manif d’art 8. À partir d’un souvenir, l’image d’une fuite d’eau rafistolée demeurée dans sa mémoire, il imagine un monde apocalyptique où les édifices abandonnés et délabrés sont exposés aux inondations. Paradoxalement pourtant, c’est au moyen d’un décor sonore plutôt ludique et très coloré qu’il exprime sa vision.

Jacqueline Bouchard

Bulletin n°38

Préface

LA CHAMBRE BLANCHE propose toujours des résidences in situ fondées sur la relation de l’œuvre avec le lieu. De 2014 à 2016, conformes à ce mode, quatre projets explorent en sus la relation parfois trouble de l’individu à son environnement.

À l’automne 2014, Nancy Samara Guzmán Fernández et Rodrigo Frías Becerra s’introduisent dans l’univers bureaucratique des employés du gouvernement qui s’éparpillent chaque jour sur les 31 étages de la tour Marie-Guyart. Les artistes mexicains, louvoyant à travers les paravents formant des isoloirs de travail, effleurent au passage quelques plantes vertes censées animer le décor figé sous un éclairage artificiel. Ces végétaux, Not Wild, But Still Life, que l’on peut voir dans les fenêtres, donnent une impression conviviale de l’édifice, mais en réalité, tout y est ordonné pour maintenir les travailleurs dans un environnement avant tout fonctionnel.

En 2015, le programme d’échange Vice Versa de Transcultures tissait un réseau de résidences entre le Web, Québec et Mons. Jumelés dans ce contexte, Alice Jarry (Montréal) et Vincent Evrard (Liège) ont réalisé une installation inspirée par la diffraction qui explore et «met en lumière» ce phénomène au moyen de verre, de mécanismes et de dispositifs électroniques. Selon les co-créateurs, Lighthouses est à la fois plastique, métaphorique et poétique, car l’oeuvre reflète ce processus par lequel la lumière est déviée ou diffusée en faisceaux de couleurs distinctes lorsqu’elle rencontre un obstacle: à l’image de leur méthodologie de travail, de leur matériau et de ce qui survient dans leur collaboration et le lieu de création.

En 2015 également, la Canado-Mexicaine Michelle Teran poursuit sa recherche sur les perturbations dans l’environnement urbain (précédente résidence 2006). Animée cette fois par la problématique du logement social et de la Mixité urbaine, elle explore le centre-ville de Québec. Cinq organismes concernés par cette question lui ouvrent leurs portes. Elle documente en vidéo leurs activités, leur mission et des cas de figure. Ces vidéos alimentent une discussion autour des enjeux auxquels cette «sociologue de l’art» désire sensibiliser le public.

Au printemps 2016 enfin, l’artiste thaïlandais Jedsada Tangtrakulwong doit s’ajuster à notre hiver persistant. Au fil de ses déambulations dans la froidure de l’environnement, il est fasciné de voir comment la municipalité a imaginé d’emmailloter les arbres pour les protéger. Son installation Adjust reproduit en galerie cette manière d’être créatif pour survivre. Tout devient affaire d’ajustement, en art comme en horticulture.

Jacqueline Bouchard

Bulletin n°37

Préface

La 37e édition du Bulletin propose un regard critique sur l’espace physique de la résidence, sur la relation qu’entretient l’objet avec le son et sur la dimension ludique et performative de la vidéo et du cinéma.

Lors de l’automne 2012, l’artiste brésilienne Karina Montenegro met en scène un jardin intime qui relate son expérience de la résidence. Les sculptures géométriques projettent une ombre au mur disloquant ainsi la relation au temps et au lieu qu’habitent l’artiste et les visiteurs. Pour Miguel Monroy, le contexte de résidence devient un lieu performatif et une mise en abîme. Les membres de l’équipe de LA CHAMBRE BLANCHE et l’artiste interviennent dans l’espace physique et vidéographique afin de revendiquer le côté matériel et immatériel de la recherche. En 2013, l’artiste japonais So Kanno crée des phénomènes sonores et visuels avec des objets ingénieusement fabriqués. Le bourdonnement et la pulsation sont perceptibles dans l’acoustique singulière du lieu. Ensuite, Bruno Caldas Vianna construit des dispositifs captant l’image et le temps. Il s’interroge sur le processus de la camera obscura en reconstituant l’instrument optique primitif avec de l’outillage numérique. En 2014, l’artiste croate, Božidar Jurjević, propose d’abord un regard rétrospectif sur son travail de performance. Par la suite, il expérimente les oppositions du milieu méditerranéen avec le milieu nordique par l’entremise des pratiques en arts visuels et des pratiques en arts numériques. Au cours de la même année, l’artiste montréalais Emmanuel Lagrange Paquet explore le cinéma dans une perspective interactive et ludique. Pour Jurjević, l’aspect performatif du travail est maintenu par l’artiste, alors que pour Lagrange Paquet, les visiteurs sont invités à performer l’œuvre par l’intermédiaire d’un dispositif ludique issue des jeux vidéo. Le concept de performance prend un sens différent du corps à l’utilisation des nouvelles technologies.

L’ouverture sur l’espace, le son, le corps et l’objet de la programmation 2012-2014 marque une fois de plus l’apport critique de LA CHAMBRE BLANCHE dans la communauté artistique autant sur la scène locale que sur la scène internationale.

Carol-Ann Belzil-Normand

Bulletin n°36

Préface

Dans ce 36e numéro du bulletin, les quatre artistes sélectionnés ont transformé de différents paysages et ambiances l’environnement de LA CHAMBRE BLANCHE. La saison débute avec l’artiste Silvia Camporesi qui s’intéresse à la nature en sillonnant la ville de Québec. Les paysages qu’elle nous présente prennent diverses formes qui juxtaposent la nature à la technologie numérique. La temporalité des médiums employés (le temps de l’image fixe et le temps de la séquence filmique) dévoile des panoramas complexifiés par la transformation qu’en a faite l’artiste. L’idée de la temporalité est aussi présente dans le travail de Pablo Rasgado, second artiste présenté ici, qui explique, dans une brève vidéo, la recherche qu’il a entreprise afin de faire « sortir les fantômes du passé » des archives et des murs du Centre d’artistes. L’auteure Dominique Lepage nous transporte dans une réflexion portant sur l’expérience de l’artiste dans l’enceinte de la galerie. Dans sa réflexion, il est question de la manière dont l’artiste utilise les murs qui deviennent les artéfacts des anciennes expositions, révélant ainsi le passé par les traces retrouvées. Il s’agit là d’une présence temporelle particulière, reliée à l’histoire et à la mémoire du lieu. Takao Minami nous invite, quant à lui, à l’intérieur du road movie en mettant en scène sa propre réalité de marcheur sur la rue Christophe-Colomb qui borde LA CHAMBRE BLANCHE. Il entreprend de nous faire parcourir cette rue de manière à ce que la vidéo prenne la forme de sa démarche, de sa cadence, comme une musique. À travers différents référents cinématographiques, l’auteur Guillaume Lafleur nous interroge sur les rapports que nous entretenons avec le territoire traversé, évoquant les superpositions du trajet parcouru par l’artiste. Pour clore ce bulletin, l’entrevue de Marc Dulude par Pascale Bédard nous laisse entrevoir l’espace idéel de l’artiste. Nous rencontrons sa vision de l’art et de la création. Nous entrons dans un état d’esprit ou le temps de la production et de la réflexion se rencontre en un seul lieu; l’atelier expérimental mis en place par l’artiste lors de sa résidence.

Geneviève Gasse

Bulletin n°35

Préface

Faire partie du monde – habiter ses contingences précaires.

Nous sommes faits de ce que nous voyons, des lieux que nous habitons, fréquentons ou fabulons. Alors que notre monde actuel concourt à nous convaincre que tout est finitudes plutôt que potentialités ouvertes et plurielles, les artistes et auteurs de cette 35e édition des Bulletins de LA CHAMBRE BLANCHE sont conscients que les espaces qui nous environnent nous façonnent et mettent en œuvre notre pensée poétique.

Lors de son séjour à Québec, Paolo Angelosanto habite la résidence de création de façon modulaire, abordant la création telle une suite de vases communicants qui le fait cheminer entre performance, sculpture et installation. Luis Armando García puise sa force d’agir dans d’autres formes d’envoûtement : la résidence de création hors de son Mexique natal, la traversée de nouveaux climats environnementaux, politiques, sociaux  et territoires affectifs. Pour ébranler la complétude de notre monde hyperspécialisé, nous pouvons, comme Raphaëlle de Groot, tenter d’éprouver le poids des objets qui composent notre monde, collectionner les artéfacts et construire un inventaire sensible. C’est un étonnant dialogue entre le matériel et l’immatériel qui traverse également l’installation vibratile de Jonathan Villeneuve réalisée à LA CHAMBRE BLANCHE.

Nous nous tenons devant la pluralité de ces propositions comme devant une multitude de mondes flottants nous portant aux confins d’imaginaires limitrophes : dépaysement et reliefs géographiques, cartographies improbables, intimes et inventaires d’artéfacts bigarrés. Tant de micromondes chargés de poésie nous invitant à revoir nos habitudes de regard sur le réel.

Cynthia Fecteau

Bulletin n°34

Préface

Matière à réflexion

La matérialité, dans son essence et son sens, est au centre des préoccupations des trois artistes présentés dans ce bulletin, qui l’utilisent à des fins de symbolisation. Elle apparaît dans les effets de soustraction et de transformation du bois de l’installation de John Cornu, dont le travail à LA CHAMBRE BLANCHE s’est effectué dans la menuiserie avant de prendre forme dans la galerie. Ses œuvres occupaient deux espaces distincts, dans l’un d’eux, une sculpture qui évoquait l’idée contemporaine de la ruine et de la destruction et dans l’autre se trouvait un hommage au sculpteur Pierre Paquin devenu aveugle, avec qui il discute et échange régulièrement. L’auteure Emma-Charlotte Gobry-Laurencin évoque l’œuvre intitulée Je tuerai le pianiste en nous posant cette question, l’oeuvre serait-elle: «une expression du présent, une réponse à la réalité, un document-témoin participant de cette société du spectacle, une structure indicielle propre à notre époque?» La disparition de la matière est aussi perceptible dans le travail de Sarla Voyer, la deuxième artiste en résidence cet automne. Elle a reproduit sa ville natale, Québec, en utilisant des objets de verres cueillis à différents endroits. Les photographies de l’exposition donnent l’impression qu’il n’y a presque pas de matière ou qu’il s’agit d’une matière floue qui se fond au contexte et qui «laisse voir» l’intérieur d’un monde transparent, créant une ambiance d’intimité et de fragilité. Dans son texte portant sur le travail de cette artiste, l’auteure Marie-Hélène Leblanc donne le nom de Maison-mère à cette impression d’élan maternel qui fait partie de la réflexion de l’artiste et de sa quête. Pour clore ce bulletin, on peut voir se dessiner l’univers onirique de l’artiste Stefane Perraud qui travaille sur l’idée de la fragilité humaine. Le texte d’Eli Commins exprime bien l’ambiance dans laquelle nous plonge l’artiste qui tire son inspiration du livre de Didi-Huberman La survivance des lucioles. L’artiste nous invite à l’observation d’un monde nocturne en déployant dans l’espace une sculpture lumineuse représentant une nuée de lucioles, dont les illuminations invoquent pour lui l’ensemble d’un groupe social avec ses espoirs, sa fragilité.

Geneviève Gasse

Bulletin n°33

Préface

En 2008-2009, les thèmes semblent s’interpeller d’une résidence à l’autre, quoique dans des registres fort différents : il est question de musique, de déplacement, de trace et de couleur. Erick d’Orion nous entraîne d’abord dans le déroutant parcours de sa Forêt d’Ifs, une expérience sonore et visuelle «hyperfluxienne». Le lieu assourdissant, visuellement angoissant, relève davantage du cauchemar que de la rêverie.

C’est au contraire la sensibilité et le raffinement du geste de Mamoru Okuno qui inclinent notre oreille vers la musique toute simple de notre quotidien. À travers des rituels relationnistes, l’artiste manipule des objets banals de la vie courante sur lesquels il attire notre attention afin de nous en faire entendre le langage.

À la fois méditative et ouverte sur le lieu, à la fois physique et métaphysique, l’œuvre de James Geurts est traversée par la fluidité et l’éphémérité de ses dispositifs et de ses formes qui sont des récits à propos du voyage, de l’eau et de rencontres humaines générées par l’espace de l’art.

C’est encore de déplacement, mais d’une autre nature qu’il est question dans The Unfinished Tour Québec City. Ici, c’est le déplacement de Gabriela Vainsencher en relation avec l’art de l’Autre et son milieu de résidence, mais aussi le déplacement de points de vue sur ou grâce à ses dessins, que l’on peut envisager comme des «projections illusionnistes» ou des traces de son expérience laissées sur le monde extérieur. D’autres traces nous sont offertes par Antonello Curcio À hauteur du regard. Son installation célèbre la matérialité du blanc et ses modulations. Un algorithme se déploie sur les murs en convoquant l’espace entier de la galerie : tantôt tridimensionnels, tantôt bidimensionnels, ses carrés monochromes se succèdent, résultat de minutieuses interventions de grattage, d’incisions, d’applications de pigment et de graphite.

Cette fois par la pulsion énergique du rouge, c’est encore de vibration de la couleur dont il est encore question avec Flow de Robbin Deyo. Lignes rouges sur fond blanc se poursuivent en inspirant et en expirant sur les murs, jusqu’à l’hallucination.

Jacqueline Bouchard

Bulletin n°32

Préface

Le concept d’espace « pratiqué », élaboré par Michel de Certeau, trouve toute sa pertinence en regard de la saison 2007-2008 de LA CHAMBRE BLANCHE. C’est bien de déplacements constructifs et de renversements perceptuels dont il est question, cela dans l’espace successivement transgressé, ritualisé, fuyant, naturalisé et réactualisé au cours des cinq résidences qui s’y sont succédées, chacune exigeant une posture différente de la part des regardeurs qui «pratiquent» le lieu à travers les oeuvres.

Fnoune Taha jette un éclairage philosophique sur la démarche de Virginia Medeiros. L’oeuvre À contre-sens de l’artiste brésilienne porte sur la transgression des genres et des classes sociales. Des vidéos, tournées dans un quartier défavorisé de Salavador, présentent les parcours détournés de deux marginaux, Simone et Preta.

Jean-Pierre Guay relate le dernier voyage de Gabriela Garcia-Luna, Universos relativos, véritable rite de passage en trois temps par lequel l’artiste mexicaine apprivoise le décès de son père. Il s’agit de « suspendre le temps » pour se rendre ailleurs en traversant la réalité présente.

Avec Possible Worlds, une espèce de chantier en construction, l’artiste Erik Olofsen s’emploie à déconstruire notre perception de l’espace. Annie Hudon Laroche souligne comment l’artiste réalise des espaces toujours « fuyants », entre fiction et réalité, au moyen de mises en abîme, de dédoublements, de juxtapositions.

Dans Le banquet de Ivana Adaime Makac, des sculptures végétales sous verre sont animées par le chant des grillons: six espaces clos retournés sur la lenteur de petits mondes conjuguant la vie et la mort, convoquant « le délicieux ou l’abject ». Dans son texte, Denis Lessard rappelle le rapport des insectes avec la création.

Sébastien Hudon parcourt les Exils intérieurs de l’artiste belge Els Vanden Meersch. Dans la salle d’exposition et dans une espèce de « bunker » noir, des photographies d’intérieurs déserts, à la fois étranges et familiers, instillent une angoisse irrépressible: leur dépouillement glacial évoque la rigidité stérile du totalitarisme.

Jacqueline Bouchard

Bulletin n°31

Préface

Cette 31e édition du Bulletin de LA CHAMBRE BLANCHE conserve la trace du passage d’artistes sensibles à leur expérience de divers espaces. L’élaboration des œuvres produites en cette année 2006-2007 fut agrémentée de rencontres, de collaborations et de discussions donnant lieu à des réflexions concernant ces endroits où l’humain vit, ainsi que le contexte dans lequel il évolue.

Ces explorations concernant la spatialité se sont déclinées en des propositions variées. L’univers de l’atelier de l’artiste, la temporalité propre à cet espace de création et le type de gestes posés furent d’abord explorés. L’attention d’un artiste mexicain posée sur les espaces de la vie quotidienne, interrogeant le rapport que l’homme entretient avec les matières résiduelles qu’il produit. Des performances sonores inspirées d’œuvres issues de la collection Prêt d’œuvres d’art (CPOA) ont ensuite pris place entre les murs de la galerie de LA CHAMBRE BLANCHE, puis au Musée national des beaux-arts du Québec.

Les grands espaces inhabités où surviennent des catastrophes naturelles firent l’objet d’œuvres installatives et performatives portant un regard sur les mécanismes développés par la société pour nous les faire voir. De manière plutôt grandiose, la salle d’exposition fut remodelée à l’aide de formes tridimensionnelles construites en contreplaqué, mettant à l’épreuve la compréhension du visiteur de l’espace et de l’objet. Pour terminer, il fut question de l’espace urbain et des stratégies que l’homme emploie afin que son environnement réponde le plus efficacement possible à son rythme de vie effréné.

De la part du collectif de LA CHAMBRE BLANCHE, je vous souhaite une bonne lecture.

Camille Bernard-Gravel

Bulletin n°30

Préface

Pour ce 30e numéro des Bulletins, LA CHAMBRE BLANCHE amorce un virage majeur dans la diffusion et l’archivage de ses activités. Afin de s’ouvrir aux multiples possibilités qu’offre le numérique, le présent numéro et les suivants sont désormais accessibles dans une plateforme web, nourrie par des dizaines d’auteurs issus d’un vaste horizon de pratiques, de domaines de la pensée et de la création. LA CHAMBRE BLANCHE souhaite élargir son lectorat et lui faciliter l’accès à ses contenus par les terminaux mobiles et les canaux de diffusion virtuels. Cette récente innovation nous invite également à expérimenter et à réfléchir aux multiples spectres des «ouvriers qui travaillent à la culture de l’échange.»1 Au cœur des textes numériques, des liens nous mènent désormais à des vidéos et des œuvres sonores sont disponibles à l’écoute: sortes de repères sensibles et lieux de partage nous permettant de mieux ressentir la densité des objets et œuvres qui ont occupé l’espace d’exposition du centre, ou encore qui y ont été conçus. Avec ce nouveau tournant numérique, les Bulletins objectivent cette nécessité intérieure de décrire le monde sous forme d’inventaire sensible, de le circonscrire dans les moindres détails des objets et des lieux familiers que nous traversons, comme pour pouvoir mieux y garder pied.

C’est d’ailleurs de cette idée de la matérialité des médias dont il est question dans le texte William Engalen: Verstrijken de Maxime McKinley. Introduit par une pièce sonore tirée d’un concert de Verstrijken avec Caroline Béchard, Annie Morrier et Suzanne Villeneuve, présenté à LA CHAMBRE BLANCHE, le vendredi 11 novembre 2005, ce texte relève les multiples croisements entre arts visuels, musique et architecture dans la démarche de l’artiste néerlandais. Le riche réseau de références hétérogènes mis en relation par l’auteur témoigne du nomadisme conceptuel et méthodologique de l’artiste. On retrouve également cette forme nomade et hybride dans le projet d’Alfonso Arzapalo, présenté du 18 octobre au 18 décembre 2005. À cet égard, Jean-François Côté nous donne à penser le réseau de métaphores architecturales et politiques que nourrissent l’espace de la ville et celui de la galerie de LA CHAMBRE BLANCHE dans le travail photographique d’Arzapalo. Juste après, un texte de Marie-Lucie Crépeau décrit un dialogue analogue entre l’artiste et la ville au cœur du travail de recherche de l’artiste Brésilien Frederico Câmara, en résidence en janvier et février 2006. Animé par l’environnement hivernal de Québec, ville francophone, Câmara a profité de son séjour pour alimenter ses réflexions sur la façon dont lui-même et les gens composent et perçoivent leur environnement naturel, culturel et social. Dans Zone audio temporaire, Hélène Matte souligne pour sa part le caractère immatériel de l’installation audio de Daniel Joliffe et de Kristen Roos. L’auteure nous parle de ces œuvres composées de sons glanés au cœur de la ville, dans les parcs, les bars à proximité, les rues, ou par des entrevues menées auprès des habitants du quartier Saint-Roch arpenté par les artistes. Dans la galerie de LA CHAMBRE BLANCHE, l’installation sonore nous permet de penser et de vivre autrement l’expérience d’écoute de la ville. Elle nous introduit à de nouvelles territorialités immatérielles qui traversent ces lieux que nous fréquentons au quotidien.

Avec leur puissance de suggestion, les artéfacts qui les composent, et leurs manières diverses d’habiter l’espace, les projets abordés dans ce 30e Bulletin proposent donc une absence de sens univoque. Ils ravivent ce niveau de conscience plus large où les espaces sont vécus comme des étendues de multiplicités indissolubles.

  1. Cauquelin, Anne. 2006, Fréquenter les Incorporels: contribution à une théorie de l’art contemporain. Paris : PUF, Coll. Lignes d’art. p. 90.
Cynthia Fecteau
b 41
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